
A 6 heures du matin, le froid me réveille avant les autres randonneurs et je sors me balader. Je vois le village se réveiller doucement avec les premiers rayons de soleil. Une femme du village prépare du thé et me fait une place près du feu pour me réchauffer. Les zébus se promènent vers les champs guidés par leurs propriétaires, les enfants prennent leur riz au lait au petit-déjeuner. Moi qui n'étais là que pour une nuit, pour me reposer après 35 km de marche avant de reprendre le trek, d'un coup je me sentais comme faisant parti de ce village qui commençait une nouvelle journée en même temps que le soleil, ce village que j’ai laissé derrière moi quand j’ai pris mon sac à dos pour continuer la route.
Si vous voulez faire un trek, la route de Kalaw menant au lac Inle est l'une des plus prisée du pays. En vous rendant à Kalaw, ce joli village de montagne, vous trouverez de nombreux bureaux de tourisme organisant des tours sous diverses formes, à des prix différents. Chaque bureau a une politique différente, ou au moins ils l'affichent ainsi. Certains défendent le développement soutenable, la protection à l’environnement, le soutien aux familles des villages ou bien ne proposent qu’un parcours de trois jours pour connaître la région. A vous de lire entre les lignes de chaque entreprise touristique et de choisir la bonne. Ce qu’il y a de sûr est que chaque bureau de trek possède sa propre route et que ces parcours ont une tendance plutôt contemplative et culturelle qu’aventurière. Selon moi une très bonne façon d'occuper trois jours de votre voyage en Birmanie !
Vos premiers pas sur la route vous amèneront sur le plateau de Kalaw pour contempler la ville dans sa fraîcheur matinale. Cette partie du parcours est idéale pour faire connaissance avec les membres de votre équipe, si vous avez choisi de partager l’expérience en groupe. Tout au long du trek vous vous retrouverez dans une nature paisible, inondée de champs agricoles traversés par des ruisseaux d'eau, des zébus, des oiseaux, des lézards. Vous monterez et descendrez par des collines et des chemins étroits sans que vous ayez à faire de grands efforts. La route vous appelle à être attentif aux changements discrets du paysage, passant d'une végétation verdoyante à des sols rougeâtres et des paysages plus rocailleux, ainsi qu'à des terres agricoles déroulées à chaque endroit.
Le Myanmar est un pays regroupant de nombreux groupes ethniques (132) et vous rencontrerez plusieurs tribus durant votre trek et il ne fait aucun doute que ces rencontres sont un point fort de ce trek.
Vous rencontrerez la tribu Danu, de descendance birmane. Le nom de cette tribu en langue danue signifie « archers courageux ». Depuis presque 4 siècles cette tribu a abandonné les arcs pour s’occuper de la terre.
D’origine Mon et Khmer, une de tribus les plus anciennes de Birmanie et connue pour sa résistance à participer au commerce de l’opium. Cette tribu se distingue par son code vestimentaire coloré, un longgyi (robe traditionnelle unisexe) rayé, une veste bleue et des anneaux faisant le tour des ceintures des femmes mariées. Les plus âgées portent des tenues blanches et ont le crâne rasé.
La tribu la plus nombreuse de la région, d’origine tibéto-birmane, vivant principalement du commerce des feuilles pour faire les chiques de bétel. Selon une légende, les Pa-o descendraient de l'union entre un alchimiste et une dragonne. Cet amour donna 2 oeufs, un noir et un blanc. L'oeuf noir tomba dans un fleuve et flotta jusqu'à l'Etat de Shan et donna naissance à la Tribu Pa-o. En honneur à cet oeuf noir, ils ne s'habillent presque que de noir (justaucorps, gilet à manches longues, longgyi et chaussettes noires), avec un turban orange et rouge. Le deuxième oeuf, resté avec l'alchimiste aurait donné naissance à la tribu Ka-yin. Les traditions et les langues de ses tribus sont en effet très proches (ils peuvent se comprendre entre eux). Une légende charmante celle de l'origine de ces deux tribus héritières d'un passé tibétain et mongol.
Lors de votre parcours vous trouverez une nature laissée à elle-même, parsemée de déchets plastiques tout au long du chemin, résultat d’une industrialisation hâtive. Rien de bien surprenant dans un pays en voie de développement. Les familles chez qui vous passerez la nuit n’auront aucun contacte avec vous, vous resterez chez eux sans qu’il y ait de partage ou d'échange réel. Cela donne à réfléchir, comment sont organisés ces trekkings ? Quel dédommagement perçoivent ces familles de la part d'organisateurs ? Y a-t-il des projets menés avec les entreprises de tourisme, voulant améliorer le quotidien des villageois, ou n'est-ce qu'un business comme un autre ?
Pour ma part, mon plus beau souvenir du trek est d'avoir croisé un groupe de femmes Pa-o revenant du marché, assises sur l'herbe. Grâce à l'intermédiaire de notre guide, elle-même d'origine Pa-o, nous avons pu discuter avec elles. L'une de ces femmes expliquait que si nous étions en train de discuter en ce moment, malgré des pays d'origines si éloignées, c'est parce que l'on se connaissait dans une vie antérieure. Cette femme avait un regard limpide et un sourire sincère, elles étaient contentes de trouver quelqu'un sur leur route et de pouvoir échanger. Moi aussi, je me réjouissais de ce hasard des rencontres. Avec le recul du voyage, je me rappelle avec joie d'avoir pu parcourir plus de 60 km à pied, entouré de cette nature et d'avoir rencontré ces belles tribus vivant à l'abri du monde occidental, protégés des vices de la modernité… mais pour combien de temps encore ? Enfin, plus que de l'adrénaline, ce trek m'a injecté des questionnements par rapport à la façon dont on voyage et notre mode de vie dans le monde "moderne".