Partir sur les traces des chrétiens d’Iran, c’est s’offrir l’opportunité de remonter dans le temps et de parcourir le pays depuis ses franges nord-ouest, aux confins de l’Arménie et de la Turquie, pour descendre jusqu’à Ispahan. Les textes bibliques évoquent la présence de Perses parmi les premiers convertis, et depuis cette époque reculée, les chrétiens ont été présents en Iran. La communauté s’est aujourd’hui réduite mais sa longue histoire a laissé des traces dans tout le pays.
A proximité de la frontière arménienne et du mont Ararat en venant depuis la Turquie, le voyageur qui est prêt à sortir des sentiers battus trouvera quelques monastères arméniens, inscrits au patrimoine mondial de l’humanité depuis 2008 : St-Thaddeus, St-Stepanos et la chapelle Ste-Marie de Dzordzor. Datant du VIIe siècle, plusieurs fois reconstruits après des destructions par des tremblements de terre ou des guerres, ils témoignent de la diffusion du christianisme dans cette région depuis des temps anciens, et sont toujours utilisés par les Arméniens et les Assyriens d’Iran comme lieux de culte.
Plus au sud, entre le lac salé d’Orumieh et les frontières turques et irakiennes vivent encore les Assyriens d’Iran, une autre minorité chrétienne établie dans ces régions depuis un passé lointain. C’est parmi ces églises que j’ai fait des trajets en voiture au milieu de paysages incroyables, avec des conducteurs qui me proposaient de m’arrêter dans des villages pour me restaurer de pain et de yaourt frais, accompagnés d’un thé bien chaud, posé sur un tapis avec pour seul horizon la steppe. J’y étais retourné en hiver, mais il faut aimer le froid, les températures peuvent y tomber à -30°C !
Au début du XVIIe siècle, quand Shah Abbas décide de bâtir sa nouvelle capitale à Ispahan, il déporte de force nombre d’artisans arméniens de cette région pour les relocaliser dans sa capitale. Il créa pour eux le quartier de la nouvelle Joulfa, sur l’autre rive de la rivière Zayandeh.
On peut toujours voir dans ce quartier une douzaine d’églises, dont certaines ont été désacralisées depuis longtemps et ne sont plus visitables, ainsi que la cathédrale Saint-Sauveur, qui abrite de magnifiques peintures murales. Les Arméniens déportés à la nouvelle Joulfa subiront quelques persécutions mais continueront à pratiquer leur foi et conserver leur culture tout en participant à l’élaboration des palais de l’autre côté de la rivière. Certains Arméniens seront déportés jusqu’à Shiraz pour y pratiquer la viticulture (dont il ne reste aucune trace aujourd’hui).
A une époque moins éloignée, lors du développement de Téhéran comme capitale et centre commercial et industriel, des Arméniens y déménagèrent et forment aujourd’hui une communauté importante, qui a le droit de consommer du porc et de l’alcool. Après ce voyage parfois oppressant, direction le club arménien de Téhéran, rue Khark, où les visiteurs non-musulmans pourront profiter d’un repas accompagné d’un peu d’alcool, et où les femmes pourront enfin se débarrasser de leur foulard en public.